Mois : mars 2021

 

Didier Ignace Ratsiraka, l’éternel incompris

Dernier hommage Didier Ratsiraka

Permettez-moi de parler à mon titre personnel. Une fois n’est pas coutume, et l’occasion s’y prête bien. Le samedi 28 mars au matin, ma femme me réveille pour m’annoncer la triste nouvelle. Sur les réseaux sociaux, la nouvelle s’est déjà répandue comme une traînée de poudre. Serait-ce donc vrai ? L’Amiral Rouge aurait-il réellement passé l’arme à gauche ?

« Servir la nation jusqu’au dernier souffle »

À peine une semaine plus tôt, je me disais en soupirant qu’il était fort probable que ce grand Homme allait s’éteindre dans pas longtemps.

Bien qu’il ait été encore très précis à son habitude dans son allocution, il m’a été impossible de passer à côté de son souffle court et de l’effort qui lui était nécessaire pour prononcer chaque phrase.

Et je me souvins de la phrase qu’il ne cessait de répéter : « je n’ai plus l’ambition de devenir Président. Mais je m’exprime, au cas où mon avis serait d’une quelconque utilité, car j’ai juré de servir la Nation jusqu’à mon dernier souffle ».

Ce vendredi-là, il l’avait encore réitéré. Dieu seul sait si, à ce moment-là, il savait ou non si son sort était scellé ou pas. Les choses se sont précipitées. Deux jours plus tard, on apprend qu’il a été hospitalisé, ainsi que son épouse. Quelques jours après, le glas retentit. L’Amiral Rouge n’est plus.

Dernier hommage Didier Ratsiraka

Hommages à deux vitesses

Les hommages ont plu, sur les réseaux. Dans un premier temps, il y a eu ceux qui rendaient hommage au Grand Homme d’État qu’il était : visionnaire, érudit et surtout profondément patriote.

Puis il y a eu ceux qui ont littéralement craché sur sa mémoire. Qu’on se le dise, l’Amiral n’a pas eu que des amis dans le paysage politique malagasy. Pour autant, le soatoavina aurait voulu que la famille fasse le deuil de leur proche. Que nenni, ont décidé certains. Malagasy tsy miady amam-paty, ce n’est plus dans l’ère du temps.

En 2002, il s’était confié à La Revue de l’Océan Indien : « On me diabolise, mais j’ai la conscience tranquille. Je dis que l’Histoire m’acquittera »

Visionnaire, éternel incompris

Fort heureusement, Didier Ratsiraka est parti avec la satisfaction du devoir accompli et la conscience tranquille. Il a donné son avis sur la stratégie face au Covid-19 afin de protéger le Vahoaka qui lui est si cher.

Interrogé par les journalistes, il s’est même offert le luxe de prouver son innocence dans le décès de Ratsimandrava, relatant les faits et citant des noms de témoins, dont quelques-uns encore vivants.

Le lundi 29 mars 2021, son corps a été ramené au Mausolée des Mahery Fo, ce même Mausolée qu’il a fait construire quelques décennies auparavant en mémoire des Héros de la Nation. Même son accession à ce Mausolée aura été source de critiques.

Mais ceux qui l’ont connu savent bien que s’il avait encore été des nôtres, il aurait dit avec la plus grande désinvolture : « Enterrez-moi où bon vous semble, si cela peut apaiser vos tensions ».

Adieu Monsieur le Président, Éternel incompris. Mais, c’est en partie de votre faute, puisque rares sont ceux qui ont effleuré votre vision et votre Q.I. Comme vous le disiez si bien : « Nemo auditur propriam turpitudinem allegans ».